Quand nos Aïeux brisèrent leurs entraves Ce n’était pas pour se croiser les bras Pour travailler en maîtres les esclaves Ont embrassé corps à corps le trépas. Leur sang à flots engraissa nos collines, A notre tour, jaunes et noirs, allons! Creusons le sol légué par Dessalines: Notre fortune est là dans nos vallons.
L’indépendance est éphémère Sans le droit à l’égalité! Pour fouler, heureux, cette terre Il nous faut la devise austère: Dieu! Le Travail! La Liberté!
Quoi de plus beau que ces fils de l’Afrique Qui, trois cent ans dans tous les maux plongés, Tournent leurs fers, leur carcan et leur trique Contre la force et les vieux préjugés! En bas voyez! c’est la noble bannière Cernant les noirs qui vont mourir là-haut Non! leur torrent avec Lamartinière Descend fougueux à la Crête-à-Pierrot.
Tout cela serait éphémère Sans le droit à l’égalité! Pour fouler, heureux, cette terre Il nous faut la devise austère: Dieu! Le Travail! La Liberté!
De Rochambeau les cohortes altières, Quelques instants, suspendirent le feu Pour saluer le Héros de Vertières, Capois-la-Mort, grand comme un demi-dieu. Vers le progrès crions comme ce brave: “Noirs, en avant! En avant!” Et bêchons Le sol trempé des sueurs de l’esclave! Nous avons là ce qu’ailleurs nous cherchons
Sans quoi tout devient éphémère Pas d’ordre et pas de liberté Pour fouler, heureux, cette terre Il nous faut la devise austère: Dieu! Le Travail! La Liberté!
Sang des martyrs dont la pourpre écumante A secoué nos chaînes et nos jougs! Chavanne, Ogé, sur la route infamante, Toi, vieux Toussaint, dans ton cachot de Joux O précurseurs, dont les dernières fibres Ont dû frémir, – vous les porte-flambeaux - En nous voyant maintenant fiers et libres, Conseillez-nous du fond de vos tombeaux!
Votre bonheur est éphémère; Ayez droit à l’égalité! Pour fouler, heureux, cette terre, Il vous faut la devise austère: Dieu! Le travail! La liberté!
A l’oeuvre donc, descendants de l’Afrique, Jaunes et noirs, fils du même berceau! L’antique Europe et la jeune Amérique Nous voient de loin tenter le rude assaut. Bêchons le sol qu’en l’an mil huit cent quatre, Nous ont conquis nos aïeux au bras fort. C’est notre tour à présent de combattre Avec ce cri: “Le progrès ou la mort!”
A l’oeuvre! Ou tout est éphémère! Ayons droit à l’égalité! Nous foulerons, plus fiers, la terre, Avec cette devise austère: Dieu! Le travail! La liberté!